La confirmation par Donald Trump, ce fatidique jeudi 4 avril 2025, d’une vague de droits de douane punitifs envers tous les pays exportateurs, y compris la France, a sonné comme un coup de tonnerre dans le ciel déjà orageux du commerce international. En réponse, Emmanuel Macron a brandi l’étendard d’une riposte politique audacieuse, appelant à la suspension de tous les investissements français aux États-Unis. Un vent de « patriotisme économique », un concept souvent galvaudé, s’est levé, agitant les esprits et les portefeuilles.

Mais l’illusion d’une autarcie, d’une rupture totale des liens commerciaux avec l’Amérique, est une chimère dangereuse. Prôner un tel repli, c’est tomber dans le piège de l’isolationnisme, ce travers que l’on reproche tant à l’administration Trump. Ce serait une capitulation prématurée, un abandon du terrain de jeu économique au profit d’un nationalisme obtus. Plus encore, cela reviendrait à scier la branche sur laquelle nous sommes assis, tant les économies européennes sont imbriquées avec celle des États-Unis.

Souveraineté économique : une ambition à concrétiser

La véritable réponse ne réside pas dans un patriotisme étriqué, mais dans une souveraineté économique assumée. Ce terme, jusqu’à présent relégué aux discours politiques, doit enfin se traduire en actions concrètes et à grande échelle. La situation actuelle, aussi périlleuse soit-elle, est une opportunité en or de passer des paroles aux actes. La souveraineté économique, dans son essence, consiste à rendre la France et l’Europe intrinsèquement attractives, à renforcer notre tissu économique de l’intérieur. Il ne s’agit pas d’attendre passivement les subsides de l’État ou les plans d’aide de l’exécutif européen, mais bien de faciliter l’investissement public et privé, d’inoculer aux Français et aux Européens le virus du risque entrepreneurial.

Le défi est immense, car il faut concilier cette ambition de compétitivité avec le maintien de notre précieux État-providence, ce rempart social et sanitaire que nous avons érigé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Conserver les acquis sociaux tout en se taillant une place de choix sur la scène internationale : voilà le véritable nœud gordien à trancher.

Le réalisme entrepreneurial face aux incantations politiques

L’appel d’Emmanuel Macron à suspendre les investissements aux États-Unis relève d’une stratégie politique compréhensible, mais potentiellement contre-productive. Un entrepreneur, lui, doit avant tout préserver son activité, garantir les emplois. Abandonner des projets en cours serait une erreur stratégique, un cadeau fait à Donald Trump, alors que rien ne garantit l’issue favorable de sa « guerre commerciale ». Sa politique protectionniste est intrinsèquement inflationniste, et les consommateurs américains en subiront rapidement les conséquences. Adopter une politique de la terre brûlée, c’est se tirer une balle dans le pied.

L’investissement de 20 milliards de dollars annoncé par l’armateur marseillais CMA-CGM aux États-Unis illustre parfaitement cette complexité. Un tel engagement, mûrement réfléchi et préparé, ne peut être annulé d’un coup de baguette magique. De plus, CMA-CGM réalise un quart de son chiffre d’affaires outre-Atlantique. Sacrifier ce marché serait une folie. Il est donc impératif de dépasser les simples déclarations d’intention et d’anticiper les conséquences potentiellement désastreuses de décisions hâtives.

Dépasser le nationalisme, embrasser la souveraineté

Répondre au nationalisme économique de Trump par un « patriotisme » français ou européen serait une erreur. Le véritable enjeu est de créer les conditions d’une nouvelle souveraineté économique et industrielle européenne, une souveraineté qui transcende les frontières et les intérêts partisans. Cela exige un dépassement des incantations politiques, une vision stratégique à long terme, et une volonté collective de bâtir une Europe forte, compétitive et résiliente. La balle est dans notre camp, mais il faut agir vite, avant que l’orage trumpien ne dévaste tout sur son passage.

Cet article a été fait a partir de ces articles:

https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/droits-de-douane-americains-le-patriotisme-economique-pour-repondre-a-donald-trump-5346359, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/administration-trump-apres-les-droits-de-douane-haro-sur-les-mesures-anti-discrimination-en-europe-4834264, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/droits-de-douane-americains-l-inflation-descendue-en-mars-a-2-2-dans-la-zone-euro-va-t-elle-repartir-a-la-hausse-2004809, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/le-brief-eco-du-mardi-01-avril-2025-les-marches-financiers-en-net-repli-inquiets-des-taxes-trump-8295788, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/hlm-une-proposition-de-loi-veut-mettre-fin-au-logement-social-a-vie-9338380