On nous rabâche les oreilles avec la neutralité technologique. Un concept séduisant, n’est-ce pas ? L’idée que la technologie est un simple outil, un marteau que l’on peut utiliser pour construire une maison ou fracasser un crâne, sans que l’outil lui-même ne porte de responsabilité morale ou politique. C’est un mensonge éhonté, un écran de fumée savamment orchestré pour masquer les véritables enjeux du pouvoir et du contrôle dans notre monde hyper-connecté.

La prétendue neutralité technologique est l’un des piliers idéologiques du capitalisme de surveillance, ce système insidieux où nos données personnelles sont aspirées, analysées et monétisées à des fins de profit et de contrôle social. Sous couvert d’innovation et de progrès, des algorithmes biaisés reproduisent et amplifient les inégalités existantes, renforçant les hiérarchies et marginalisant les voix dissidentes. Prenons l’exemple des algorithmes de recrutement : prétendument objectifs, ils sont en réalité truffés de biais inconscients qui discriminent les minorités et favorisent les profils conformes à une norme établie par les élites.

L’idée même que la technologie serait ‘neutre’ ignore complètement le contexte socio-économique dans lequel elle est développée, déployée et utilisée. Derrière chaque ligne de code, chaque interface utilisateur, se cachent des choix politiques, des valeurs, des intérêts particuliers. Les ingénieurs, les designers, les entrepreneurs qui façonnent le monde numérique ne sont pas des robots dénués de subjectivité. Ils sont des êtres humains, avec leurs propres préjugés, leurs propres aspirations, leurs propres visions du monde. Et ces biais se retrouvent inévitablement dans les technologies qu’ils créent.

De plus, la neutralité technologique est souvent brandie comme un argument pour justifier le développement de technologies potentiellement destructrices, comme les armes autonomes, ces machines de guerre capables de prendre des décisions de vie ou de mort sans intervention humaine. Sous prétexte qu’il ne s’agit que d’outils, on se dédouane de toute responsabilité quant à leurs conséquences potentiellement catastrophiques. C’est une posture d’irresponsabilité criminelle.

Il est crucial de déconstruire ce mythe de la neutralité technologique et de prendre conscience des implications politiques et sociales des technologies qui nous entourent. Cela implique de remettre en question les discours dominants, d’analyser les algorithmes et les systèmes d’IA avec un regard critique, et de lutter pour une technologie plus juste, plus inclusive et plus respectueuse des droits fondamentaux. Il est temps de reprendre le contrôle sur les outils qui façonnent notre monde et de les mettre au service du bien commun, plutôt que de les laisser entre les mains de quelques privilégiés avides de pouvoir et de profit.

Enfin, il faut encourager le développement de technologies alternatives, basées sur des principes éthiques et démocratiques. Le logiciel libre, l’open source, les réseaux décentralisés sont autant d’exemples de modèles qui permettent une plus grande transparence, une plus grande participation et une plus grande autonomie. Ces alternatives ne sont pas parfaites, mais elles offrent une voie possible vers un futur technologique plus émancipateur.

Pour paraphraser Jacques Ellul, penseur critique de la technique : la technique n’est pas neutre, elle est un système autonome qui tend à s’étendre et à dominer tous les aspects de la vie humaine. Il est donc impératif de développer une conscience critique face à la technique et de lutter pour une technologie au service de l’humain, et non l’inverse.

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