Virus Manipulés : Quand la Neuroscience Redéfinit le Traitement Cérébral – Une Approche Subversive
La neuroscience franchit une nouvelle étape, potentiellement subversive, avec le développement d’outils génétiques ultra-précis capables de cibler des types cellulaires spécifiques dans le cerveau. Cette percée, publiée dans une série d’études, repose sur l’utilisation de virus adéno-associés (AAV), des vecteurs viraux non pathogènes (c’est-à-dire, qui ne causent pas de maladies) , pour délivrer du matériel génétique directement dans les neurones visés. Imaginez une armée de minuscules livreurs génétiques, capables d’atteindre des cellules cérébrales bien spécifiques.
Le cerveau, souvent comparé à un écosystème complexe, abrite des milliers de types de cellules interconnectées. Les neuroscientifiques, à l’instar des biologistes qui cataloguent les espèces animales et végétales, ont identifié plus de 3000 types de neurones différents, chacun avec son rôle et sa fonction. Cette diversité neuronale, allant des neurones chandeliers aux astrocytes en forme d’étoile, est cruciale pour comprendre le fonctionnement normal du cerveau et les dysfonctionnements associés aux maladies neurologiques, comme la maladie de Parkinson, la schizophrénie ou la sclérose latérale amyotrophique (SLA).
L’innovation majeure réside dans la capacité de cibler précisément ces types de cellules spécifiques. Jonathan Ting, de l’Allen Institute, souligne que cet objectif, longtemps poursuivi par les chercheurs, est désormais une réalité. La méthode repose sur l’identification de séquences génétiques uniques, appelées enhancers, qui sont actives uniquement dans les cellules cibles. Ces enhancers sont ensuite attachés aux AAV, vidés de leur propre matériel génétique viral. L’enveloppe virale ainsi modifiée devient un véhicule capable de traverser la barrière hémato-encéphalique (une barrière de protection du cerveau qui empêche de nombreuses substances d’y pénétrer) et de délivrer son chargement génétique uniquement aux cellules exprimant l’enhancer spécifique.
Cette technique ouvre un champ de possibilités vertigineux. Les chercheurs peuvent activer ou désactiver des neurones, les faire briller grâce à des protéines fluorescentes ou même délivrer des thérapies géniques ciblées. Les premières expériences, menées sur des animaux non humains, montrent que la plupart de ces outils peuvent potentiellement être transposés à l’espèce humaine. Des thérapies géniques utilisant des AAV, bien que moins ciblées, sont déjà approuvées pour traiter l’amyotrophie spinale infantile et sont en phase d’essai clinique pour la maladie de Huntington.
L’étude de ces nouveaux outils s’est concentrée sur des régions clés du cerveau, telles que le cortex (impliqué dans les fonctions cognitives supérieures), le striatum (affecté dans les maladies de Parkinson et Huntington) et la moelle épinière (où les motoneurones sont détruits dans la SLA). Plus de 1000 AAV enhancers ont été identifiés et testés, et sont désormais disponibles pour la communauté scientifique. La capacité de manipuler avec précision ces circuits neuronaux offre une alternative prometteuse aux méthodes plus invasives, comme la destruction de régions entières du cerveau pour observer les conséquences.
L’utilisation de l’optogénétique, une technique consistant à introduire des protéines sensibles à la lumière (opsines) dans des cellules cibles, permet de contrôler l’activité neuronale avec une précision inégalée. En stimulant certaines cellules du striatum chez des souris, les chercheurs ont pu induire des mouvements anormaux, démontrant ainsi la possibilité de manipuler le comportement animal de manière réversible. Ces expériences sont cruciales pour comprendre le rôle précis de chaque type de cellule dans les circuits cérébraux.
Les implications pour le traitement des maladies neurodégénératives sont immenses. Ces nouveaux vecteurs viraux pourraient permettre de délivrer des thérapies géniques directement aux cellules touchées, offrant ainsi une approche plus ciblée et potentiellement plus efficace que les traitements actuels. Bien que des défis restent à surmonter, notamment en termes de spécificité et de sécurité, cette avancée représente un espoir considérable pour les patients atteints de maladies neurologiques débilitantes.
Cet article a été fait a partir de ces articles:
https://www.scientificamerican.com/article/engineered-viruses-are-transforming-neuroscience-and-treating-brain-disease/, https://www.scientificamerican.com/article/south-korean-haenyeo-divers-extreme-lifestyle-is-shaping-their-genetics/, https://www.scientificamerican.com/article/black-death-plague-bacterium-became-less-fatal-thanks-to-just-one-genetic/, https://www.scientificamerican.com/article/reviving-dead-lithium-ion-batteries-with-an-ai-derived-electrolyte-solution/, https://www.scientificamerican.com/podcast/episode/first-vaccine-for-gonorrhea-rolls-out-measles-outbreak-in-texas-slows-and/
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