Dans le discours dominant, la technologie est souvent présentée comme un outil neutre, un simple instrument au service de l’humanité. On nous serine que ce sont les ‘utilisateurs’ qui déterminent son impact, que la technologie elle-même est dénuée de toute idéologie. Cette affirmation, aussi séduisante soit-elle, est un mythe dangereux, une subtile forme de propagande qui masque les véritables enjeux de pouvoir qui sous-tendent le développement et la diffusion des technologies.

Pour comprendre pourquoi cette neutralité est une illusion, il faut d’abord admettre que toute technologie est le produit d’un contexte social, économique et politique spécifique. Chaque choix de conception, chaque algorithme codé, chaque interface utilisateur imaginée reflète les valeurs, les biais et les intérêts de ceux qui les ont créés. Par exemple, un algorithme de reconnaissance faciale entraîné principalement sur des visages de personnes blanches aura tendance à moins bien identifier les personnes de couleur, perpétuant ainsi des discriminations raciales. Ce n’est pas un hasard, c’est une conséquence directe des données utilisées et des priorités établies lors de sa conception.

Le concept de déterminisme technologique, qui postule que la technologie façonne inévitablement la société, est une autre facette du problème. Bien qu’il soit simpliste de croire que la technologie est la seule force motrice de l’histoire, il est indéniable qu’elle exerce une influence considérable sur nos vies. Les réseaux sociaux, par exemple, ne sont pas simplement des outils de communication neutres. Ils sont conçus pour capter notre attention, pour nous maintenir connectés et pour collecter nos données, alimentant un capitalisme de surveillance qui transforme nos interactions sociales en marchandises.

De plus, la diffusion de la technologie est rarement un processus équitable. L’accès aux nouvelles technologies est souvent inégalement réparti, creusant les fossés entre les riches et les pauvres, entre les pays développés et les pays en développement. La fracture numérique, ce fossé entre ceux qui ont accès à l’internet et aux technologies numériques et ceux qui en sont exclus, est une réalité tangible qui accentue les inégalités sociales et économiques.

Le capitalisme tardif (ou capitalisme avancé), caractérisé par sa financiarisation et sa dépendance à l’innovation technologique, utilise la promesse de progrès technique pour justifier une exploitation accrue du travail, une privatisation des services publics et une déréglementation environnementale. On nous vend l’idée que la technologie va résoudre tous nos problèmes, du changement climatique à la pauvreté, tout en ignorant les coûts sociaux et environnementaux de son développement effréné.

La question n’est donc pas de savoir si la technologie est bonne ou mauvaise en soi, mais de comprendre comment elle est utilisée et par qui. Il est crucial de remettre en question les récits simplistes sur la neutralité technologique et de dénoncer les intérêts qui se cachent derrière le développement et la diffusion des technologies. Il est temps d’exiger une technologie plus démocratique, plus transparente et plus respectueuse des droits humains et de l’environnement. Une technologie qui soit véritablement au service de l’humanité, et non l’instrument de domination d’une minorité.

Alors, la prochaine fois qu’on vous parlera de la neutralité de la technologie, souvenez-vous : c’est un mythe, une arme de distraction massive conçue pour masquer les véritables enjeux de pouvoir. Déconstruisons ce mythe et exigeons une technologie qui serve réellement l’intérêt général.

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