Chargement en cours
Du Silence à la Symphonie : Quand la Neuroprothèse Redéfinit l’Éloquence

Le progrès scientifique flirte parfois avec la science-fiction, abolissant les frontières de l’impossible. L’histoire de Casey Harrell, ancien militant climatique terrassé par la sclérose latérale amyotrophique (SLA), en est une illustration poignante. Cette maladie neurodégénérative, plus communément appelée maladie de Charcot, s’attaque aux motoneurones, ces cellules nerveuses qui contrôlent nos muscles volontaires. Elle a brutalement réduit au silence un homme dont la voix portait autrefois des revendications écologiques. Mais aujourd’hui, un espoir technologique resplendit : un implant cérébral lui permet de s’exprimer à nouveau, restituant non seulement les mots, mais aussi l’émotion et le timbre de sa voix perdue.

Développé par des chercheurs de l’Université de Californie, Davis, ce dispositif novateur s’inscrit dans le domaine émergent des interfaces cerveau-ordinateur (ICO), également appelées BCI (Brain-Computer Interfaces) en anglais. Ces interfaces sont des systèmes qui établissent une communication directe entre le cerveau et un dispositif externe, comme un ordinateur. Ce qui distingue cette ICO des autres, c’est sa capacité à capturer les subtilités du langage, ce rythme naturel de la parole, ces inflexions, ces pauses qui confèrent à nos échanges leur humanité. L’étude, publiée dans la prestigieuse revue Nature, détaille comment l’intelligence artificielle est utilisée pour recréer la parole à partir des signaux moteurs cérébraux. Le système est suffisamment rapide pour permettre des conversations fluides et même, chose surprenante, pour chanter de courtes mélodies. Une avancée spectaculaire pour ceux qui ont perdu l’usage de la parole.

Mais comment fonctionne cette prouesse technologique ? Dans un essai précédent, Harrell a reçu un implant composé de 256 électrodes. Ces minuscules capteurs en silicium, de seulement 1,5 millimètre de long chacun, ont été implantés dans la zone de son cerveau responsable du mouvement. Ils captent l’activité électrique de milliers de neurones. Ces données sont ensuite traitées par un modèle d’apprentissage profond qui les transforme en mots audibles, à une vitesse comparable à celle de la parole naturelle. Le système ne se contente pas de reproduire des mots ou des phrases préprogrammées. Il décode les sons, y compris les interjections comme « hmm » ou des mots inventés que l’algorithme n’a jamais rencontrés, et peut même modifier l’intonation au milieu d’une phrase. Maitreyee Wairagkar, chercheuse principale, souligne l’importance de ces nuances : « Nous intégrons tous ces éléments du langage humain qui sont essentiels. Nous n’utilisons pas toujours des mots pour communiquer ce que nous voulons. » L’intonation, par exemple, est cruciale pour distinguer une affirmation d’une question. Dans un test, Harrell a utilisé le système pour prononcer la même phrase avec les deux intonations, et le logiciel s’est adapté automatiquement. Il a même chanté une série de notes dans trois tons différents. Le résultat était indéniablement sa propre voix, reconstruite à partir d’enregistrements réalisés avant que la SLA ne le prive de sa capacité à parler.

Auparavant, les ICO vocales étaient souvent laborieuses. Elles ne pouvaient traduire des phrases complètes qu’une fois que la personne avait fini de les mimer mentalement, avec des délais de réponse parfois supérieurs à trois secondes, rendant la conversation impossible. Sergey Stavisky, neuroscientifique à l’UC Davis et co-auteur de l’étude, souligne que les anciens dispositifs empêchaient d’interrompre, de formuler des objections ou de chanter. Le nouveau système répond en 25 millisecondes, un temps à peine supérieur à celui qu’il faut à une personne pour entendre sa propre voix. Des volontaires écoutant la voix synthétique de Harrell ont compris 60 % de ce qu’il disait, contre seulement 4 % lorsqu’il essayait de parler sans aide. Bien que perfectible, ce résultat est prometteur. Son ICO basée sur le texte, qui utilise de grands modèles linguistiques pour interpréter chaque mot après l’avoir prononcé mentalement, est plus précise (environ 98 %), mais aussi plus lente et moins flexible. Christian Herff, neuroscientifique computationnel à l’Université de Maastricht, qualifie cette avancée de « Graal des ICO vocales », soulignant qu’elle permet une parole spontanée et continue.

L’approche du système, qui décode directement les ondes sonores plutôt que des phonèmes ou des entrées de dictionnaire, ouvre la voie à une prise en charge multilingue, y compris des langues tonales comme le mandarin, et à la préservation des accents. Cependant, des réserves subsistent. L’état du cortex moteur de Harrell n’a pas encore été trop dégradé par la SLA. Il reste à déterminer si le système fonctionnerait aussi bien chez des patients atteints de lésions neurologiques différentes, comme celles causées par un accident vasculaire cérébral (AVC). C’est ce que les chercheurs se proposent d’étudier lors d’un nouvel essai clinique mené par David Brandman de l’UC Davis, qui testera des implants avec un nombre encore plus important d’électrodes (jusqu’à 1600) chez des personnes souffrant de divers troubles de la parole. L’objectif, selon Wairagkar, n’est pas seulement de restaurer une voix, mais de redonner toute sa dimension humaine à la conversation : la spontanéité, l’émotion, l’identité. Silvia Marchesotti, neuro-ingénieure à l’Université de Genève, parle d’un « changement de paradigme » qui pourrait conduire à un outil utilisable dans la vie réelle. Pour Harrell, c’est déjà le cas.

Cet article a été fait a partir de ces articles:

https://www.zmescience.com/medicine/a-man-lost-his-voice-to-als-a-brain-implant-helped-him-sing-again/, https://www.zmescience.com/ecology/this-plastic-dissolves-in-seawater-and-leaves-behind-zero-microplastics/, https://www.zmescience.com/science/anthropology/women-rate-womens-looks-higher-than-even-men/, https://www.zmescience.com/other/art-other/ai-based-method-restores-priceless-renaissance-art-in-under-4-hours-rather-than-months/, https://www.zmescience.com/science/paleontology/meet-the-dragon-prince-the-closest-known-ancestor-to-t-rex/

Laisser un commentaire