L’Analemme: La Danse Subversive du Soleil et le Mensonge du Temps
Nous sommes tous bercés par le mouvement quotidien du soleil, un rituel immuable où il émerge à l’est, culmine à midi, puis plonge à l’ouest. Et, pour ceux qui habitent l’hémisphère nord, nous savons qu’à l’approche de l’été, il s’élève chaque jour davantage jusqu’au solstice de juin, avant de redescendre vers le solstice de décembre. Une horlogerie céleste, d’une précision telle que nous y ancrons notre perception du temps. Mais le cosmos, friand de complexité, cache d’autres rouages, des mécanismes subtils qui dévient la trajectoire solaire, la balançant latéralement et verticalement au fil des saisons.
Imaginez-vous photographiant le soleil chaque jour, à la même heure, depuis le même lieu (abstraction faite du changement d’heure). Au bout d’une année, les points ainsi capturés dessineraient un huit allongé, une figure bizarre appelée analemme. Ce motif étrange n’est autre que la manifestation de l’inclinaison de l’axe terrestre et de l’ellipse de notre orbite. Deux paramètres qui s’entrelacent pour créer cette curiosité céleste.
Le Soleil Moyen: Un Mensonge Utile
Pour comprendre l’analemme, il faut d’abord imaginer un monde où la Terre n’est pas inclinée et son orbite est parfaitement circulaire. Dans ce monde utopique, le soleil tracerait exactement le même chemin chaque jour. L’analemme se réduirait à un point fixe. Les astronomes appellent ce mouvement idéal le soleil moyen. Son déplacement est constant, imperturbable. Nous pourrions régler nos montres sur lui, et en réalité, c’est ce que nous faisons! Le soleil moyen est une fiction pratique qui nous permet de définir une journée de 24 heures immuable. Considérez-le comme une horloge, atteignant son zénith à midi pile.
L’Inclinaison Terrestre: Le Premier Coupable
Ajoutons maintenant l’inclinaison terrestre. Notre planète est inclinée d’environ 23,5 degrés par rapport au plan de son orbite. Cette inclinaison, responsable des saisons, modifie la position réelle du soleil (le vrai soleil) et le fait dévier de la trajectoire du soleil moyen. En été, lorsque notre hémisphère est incliné vers le soleil, les jours sont plus longs et la trajectoire du vrai soleil est plus haute. L’inverse se produit en hiver. C’est cette inclinaison qui explique l’amplitude nord-sud de l’analemme. La hauteur du soleil à midi varie au cours de l’année, décrivant une amplitude de 47 degrés.
L’Ellipse Orbitale: Le Fauteur de Trouble Latéral
Mais l’analemme n’est pas une simple ligne verticale. Sa forme en huit est due à une oscillation est-ouest. Imaginez-vous face au sud à midi, lors du solstice de décembre, quand le vrai soleil est au plus bas. Durant les six mois suivants, il se déplacera progressivement vers le nord, de plus en plus vite jusqu’à l’équinoxe, puis de plus en plus lentement jusqu’au solstice d’été. Ce mouvement vers le nord implique que le vrai soleil ne se déplace pas à la même vitesse que le soleil moyen. Il prend du retard, se décalant vers l’est et atteignant son zénith un peu après midi. Mais ce retard ne cesse de croître qu’un temps; il finit par diminuer, puis s’inverser. Le vrai soleil rattrape alors le soleil moyen, le dépasse à l’ouest et atteint son zénith avant midi. Ce mouvement oscillatoire, combiné au mouvement vertical, crée la forme caractéristique de l’analemme.
Ce ballet complexe est régi par une fonction trigonométrique alambiquée, mais en gros, le soleil avance par rapport au soleil moyen pendant trois mois, puis retarde pendant trois mois, et ainsi de suite. Les astronomes appellent cette déviation l’équation du temps. Elle permet de calculer le décalage entre un cadran solaire et une montre réglée sur le soleil moyen. Elle représente une excursion d’environ huit degrés est-ouest.
L’ellipse de l’orbite terrestre ajoute une autre couche de complexité. La Terre se déplace plus vite quand elle est proche du soleil (périhélie) et plus lentement quand elle est éloignée (aphélie). Au périhélie, le vrai soleil retarde par rapport au soleil moyen. À l’aphélie, il avance. Si la Terre n’était pas inclinée, l’ellipse orbitale se traduirait par une courte ligne est-ouest. De plus, l’effet de perspective dû à la vitesse variable de la Terre affecte la symétrie nord-sud de l’analemme. La boucle sud (périhélie) est plus grande et plus large que la boucle nord. Enfin, la date du périhélie (autour du 4 janvier) ne coïncide pas exactement avec le solstice de décembre (autour du 21 décembre), ce qui déforme encore un peu l’analemme.
Analemmes Planétaires: Une Diversité Cosmique
Si tout cela est vrai pour la Terre, qu’en est-il des autres planètes? Elles ont aussi des orbites elliptiques et des axes inclinés, donc elles ont aussi des analemmes. Mars, par exemple, a une inclinaison similaire à celle de la Terre, mais son orbite est beaucoup plus elliptique, ce qui donne à son analemme une forme de larme. Jupiter, avec son inclinaison de seulement trois degrés, a un analemme elliptique plus simple. Neptune, avec une inclinaison de 28 degrés et une orbite quasi-circulaire, possède l’analemme le plus symétrique.
La mécanique céleste est plus complexe qu’il n’y paraît. Pourtant, il y a une beauté dans ces cycles répétitifs, ces mouvements subtils, cette symétrie glorieuse. Tout est prévisible, régi par la physique, la géométrie et les mathématiques. Il y a une vérité dans l’idée de la musica universalis, la « musique des sphères ». Et comme la musique des grands compositeurs, il y a de la majesté dans la complexité.
Cet article a été fait a partir de ces articles:
https://www.scientificamerican.com/article/what-is-the-analemma/, https://www.scientificamerican.com/podcast/episode/the-national-weather-service-is-understaffed-and-underfunded-heres-why-that/, https://www.scientificamerican.com/article/new-nws-hires-wont-make-up-for-trump-cuts-meteorologists-say/, https://www.scientificamerican.com/article/this-tower-of-worms-is-a-squirming-superorganism/, https://www.scientificamerican.com/article/how-we-solve-the-climate-crisis/
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