Nous vivons une époque fascinante, baignée dans un optimisme technologique parfois aveugle. Chaque jour, un nouveau gadget, une nouvelle application, une nouvelle « révolution » est annoncée, promettant un avenir radieux où les problèmes d’aujourd’hui ne seront plus que de lointains souvenirs. Mais derrière cette façade étincelante se cache une réalité bien plus complexe, et souvent, profondément décevante.

Le discours dominant nous enjoint à embrasser sans réserve le progrès technique. L’intelligence artificielle (IA), par exemple, est présentée comme la panacée universelle, capable de résoudre la crise climatique, d’éradiquer les maladies et de nous libérer des tâches ingrates. Mais l’IA, telle qu’elle existe aujourd’hui, est avant tout un outil statistique sophistiqué, gourmand en énergie et en données, et souvent biaisé par les données sur lesquelles elle est entraînée. En d’autres termes, elle reproduit et amplifie les inégalités existantes, loin de les résoudre.

Le transhumanisme, cette idéologie qui ambitionne de dépasser les limites biologiques de l’être humain grâce à la technologie, est un autre exemple de cette fuite en avant. Si l’idée d’améliorer la santé et la longévité est séduisante, le transhumanisme soulève des questions éthiques fondamentales. Qui aura accès à ces technologies d’amélioration ? Comment éviter une société à deux vitesses, où les « augmentés » dominent les « naturels » ? Derrière la promesse d’un homme nouveau se profile le spectre d’une inégalité exacerbée et d’une perte de ce qui fait notre humanité.

On nous vante les mérites de la blockchain, cette technologie de registre distribué, comme une solution à tous les problèmes de confiance et de transparence. La blockchain est une base de données décentralisée, immuable, et transparente. Elle permet de valider des transactions sans intermédiaire. Pourtant, son adoption massive se heurte à des obstacles considérables, notamment sa complexité technique, sa consommation énergétique prohibitive et sa vulnérabilité aux attaques informatiques. De plus, son potentiel de surveillance et de contrôle social est souvent occulté par ses promoteurs.

La « smart city », la ville intelligente bardée de capteurs et d’algorithmes, est censée optimiser la gestion urbaine et améliorer la qualité de vie des habitants. En théorie, la smart city devrait être plus efficace, plus durable, et plus agréable à vivre. En réalité, elle risque de devenir un outil de surveillance de masse, où la vie privée est sacrifiée sur l’autel de l’efficacité. De plus, la dépendance excessive à la technologie rend la ville vulnérable aux pannes et aux cyberattaques.

Il ne s’agit pas de rejeter en bloc le progrès technique. La technologie peut être un outil puissant au service du bien commun. Mais il est crucial de développer un esprit critique face aux promesses souvent exagérées des technocrates et des entrepreneurs de la Silicon Valley. Il faut questionner les implications éthiques, sociales et environnementales de chaque nouvelle innovation. Il faut s’assurer que la technologie est au service de l’humain, et non l’inverse. Il faut, en somme, déconstruire le grand bluff technologique et réinventer un progrès plus juste, plus durable et plus respectueux de notre humanité.

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