Dans le panthéon des idoles modernes, la Technologie trône en majesté. On la prie, on l’encense, on lui sacrifie nos données personnelles et notre temps libre. Mais derrière la façade reluisante des gadgets dernier cri et des promesses d’un futur radieux se cache une réalité beaucoup plus trouble, un mythe soigneusement entretenu qui mérite d’être déconstruit. Car le progrès technologique, tel qu’il nous est vendu, n’est pas une force neutre et bienveillante. C’est une arme à double tranchant, souvent plus acérée d’un côté que de l’autre.

L’un des piliers de ce mythe est l’idée que la technologie résout tous nos problèmes. Famine ? Génétiquement modifié. Maladie ? Nanotechnologies. Changement climatique ? Géo-ingénierie. Pourtant, l’histoire nous enseigne que les solutions technologiques créent souvent de nouveaux problèmes, parfois plus graves que ceux qu’elles prétendent résoudre. L’agriculture intensive, par exemple, a permis d’augmenter les rendements, mais au prix de la destruction des sols, de la pollution des eaux et de la disparition de la biodiversité. La « solution » technologique devient ainsi une fuite en avant, une course effrénée vers un horizon toujours plus éloigné.

Un autre aspect crucial de ce mythe est son indissociabilité avec le capitalisme. La recherche et le développement technologique sont massivement financés par des entreprises privées, dont le seul objectif est le profit. Cela signifie que les technologies qui se développent sont celles qui génèrent le plus d’argent, et non celles qui répondent aux besoins les plus pressants de l’humanité. On investit des milliards dans les smartphones, les réseaux sociaux et les jeux vidéo, tandis que la recherche sur les énergies renouvelables, l’accès à l’eau potable et les traitements contre les maladies tropicales négligées reste cruellement sous-financée. Le progrès technologique devient ainsi un instrument d’inégalités, creusant le fossé entre les nantis et les démunis.

De plus, la technologie, loin d’être un simple outil, façonne notre façon de penser, de vivre et d’interagir. Les algorithmes des réseaux sociaux, par exemple, sont conçus pour capter notre attention et nous enfermer dans des bulles de filtre, renforçant nos biais et nous coupant du débat contradictoire. L’omniprésence des écrans réduit notre capacité de concentration et notre esprit critique. La surveillance de masse, facilitée par les technologies numériques, menace nos libertés individuelles et notre droit à la vie privée. Nous devenons ainsi des sujets passifs, manipulés par des forces que nous ne comprenons pas et que nous ne maîtrisons plus.

Il est donc urgent de déconstruire ce mythe du progrès technologique et d’adopter une approche plus critique et plus consciente. Cela ne signifie pas rejeter la technologie en bloc, mais plutôt la soumettre à un examen rigoureux et à un contrôle démocratique. Il faut se demander : à qui profite cette technologie ? Quels sont ses impacts sociaux et environnementaux ? Est-elle réellement nécessaire ? Et surtout, qui décide de son développement et de son utilisation ?

Il est temps de reprendre le contrôle de notre destin technologique et de le mettre au service d’un avenir plus juste, plus durable et plus humain. Cela passe par une éducation à la pensée critique, une promotion de la sobriété numérique et un engagement citoyen dans les débats sur les enjeux technologiques. Car l’avenir n’est pas écrit d’avance. Il dépend de nos choix et de notre capacité à remettre en question les dogmes établis. Le progrès véritable n’est pas celui qui nous est imposé par la technologie, mais celui que nous construisons collectivement, en conscience et en liberté.

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