Ozempic et Wegovy: Quand la quête de minceur déforme le plaisir gustatif – Une subversion de nos papilles?
Les médicaments amaigrissants, tels qu’Ozempic et Wegovy, initialement conçus pour traiter le diabète de type 2, bouleversent les habitudes alimentaires. Au-delà de leur effet sur la satiété, ils semblent remodeler nos préférences gustatives, transformant des plaisirs coupables en aversions soudaines. Décryptons ce phénomène étrange et potentiellement subversif.
Alyssa Fraser, une ancienne journaliste culinaire, a vu sa passion s’éteindre après avoir commencé Wegovy. Ses plats favoris, jadis source de réconfort, sont devenus insipides, voire repoussants. Le poulet, les légumes, les pâtes… tout a perdu de son attrait. Un constat partagé par de nombreux utilisateurs de ces médicaments, connus sous le nom générique d’agonistes des récepteurs du peptide-1 apparenté au glucagon (GLP-1). Les agonistes des récepteurs GLP-1 sont une classe de médicaments qui imitent l’action d’une hormone naturelle appelée GLP-1, stimulant la libération d’insuline et ralentissant la vidange gastrique, contribuant ainsi à la perte de poids.
Ces médicaments, initialement destinés au traitement du diabète de type 2, agissent en imitant une hormone intestinale, le GLP-1, qui régule la glycémie et la satiété. Ils ralentissent la vidange gastrique et augmentent la sensation de plénitude, ce qui conduit à une réduction de l’appétit et, par conséquent, à une perte de poids. Mais l’effet secondaire inattendu est une transformation radicale des préférences alimentaires. La viande devient répugnante, les aliments frits sont perçus comme trop lourds, et même les saveurs complexes du vin sont dénaturées.
Des forums en ligne témoignent de cette métamorphose gustative. Certains utilisateurs décrivent une perte d’intérêt générale pour la nourriture, la réduisant à une simple nécessité plutôt qu’à une source de joie. Des données suggèrent même une baisse des dépenses alimentaires, en particulier pour les produits transformés et riches en calories. Si l’impact direct de ces changements sur la perte de poids reste à déterminer, une étude récente publiée dans Food Quality and Preference révèle une diminution de la consommation d’aliments transformés, de céréales raffinées et de bœuf, au profit des fruits, des légumes verts et de l’eau. La diminution calorique quotidienne atteindrait 700 calories.
Il est crucial de distinguer « aimer » un aliment de « vouloir » le consommer. John Blundell, professeur émérite de psychobiologie, explique que les médicaments GLP-1 semblent agir sur la motivation plutôt que sur le plaisir sensoriel. Les patients peuvent toujours apprécier certains aliments, mais l’impulsion immédiate de les manger est atténuée. Les médicaments GLP-1, en mimant l’hormone GLP-1, se lient à ses récepteurs dans le corps, y compris dans les zones du cerveau impliquées dans la régulation de l’appétit et les circuits de récompense. Les circuits de récompense sont des voies neuronales dans le cerveau qui sont activées par des stimuli plaisants, tels que la nourriture, et qui renforcent les comportements associés à ces stimuli. Des études ont montré que ces médicaments réduisent la réponse de plaisir à la nourriture, contribuant ainsi à la perte de poids et aux modifications des préférences gustatives.
Une théorie suggère que l’effet de satiété des médicaments GLP-1 simule les préférences de fin de repas. Lorsque nous sommes affamés, nous avons tendance à désirer des aliments riches en protéines ou en graisses. Mais une fois rassasiés, ces aliments deviennent aversifs, tandis que les desserts sucrés semblent plus attrayants. Les médicaments GLP-1 pourraient simplement accélérer ce processus naturel. Une autre hypothèse est que les composés des médicaments pourraient agir directement sur les préférences alimentaires par un mécanisme biologique encore inconnu.
Au-delà de la satiété, des témoignages anecdotiques suggèrent des altérations directes du goût. Certains utilisateurs décrivent des saveurs exacerbées ou désagréables. Siobhan, une utilisatrice de Wegovy, trouve son curry préféré trop amer. Sarah Streby, après deux ans de traitement, ne supporte plus les œufs ni le brocoli, et sa tolérance aux épices a diminué. Des chercheurs ont découvert des récepteurs GLP-1 dans les papilles gustatives humaines, ce qui pourrait expliquer ces altérations. Certaines études indiquent que les personnes en surpoids perçoivent moins intensément les saveurs, ce qui les incite à manger davantage pour obtenir une plus grande satisfaction sensorielle.
Des études contradictoires rendent la compréhension de ce phénomène complexe. Une petite étude a révélé que les femmes sous sémaglutide étaient plus sensibles au goût, tandis qu’une autre a montré une sensibilité réduite aux cinq saveurs de base (sucré, acide, salé, amer et umami). Richard Doty, directeur du Smell and Taste Center de l’Université de Pennsylvanie, soupçonne les récepteurs GLP-1 dans les papilles gustatives d’être responsables de ces changements, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires.
Ces effets sur la satiété et le goût sont perçus différemment. Certains les accueillent comme une aide à la perte de poids, tandis que d’autres déplorent la perte de plaisir culinaire. Alyssa Fraser exprime sa frustration de ne plus cuisiner ni s’intéresser à la nourriture, sauf aux sucreries. Bien qu’elle reconnaisse les bienfaits pour sa santé, elle déplore la perte d’un passe-temps cher. « Le fardeau mental de la perte de poids a été considérablement réduit », concède-t-elle, « et cela en vaut la peine ».
Le phénomène des médicaments GLP-1 transformant nos préférences gustatives soulève des questions fondamentales sur notre relation à la nourriture. Est-ce un prix acceptable à payer pour la minceur ? Le plaisir gustatif est-il un luxe superflu dans notre quête de santé ? Ces interrogations subvertissent nos conceptions traditionnelles de l’alimentation et ouvrent un débat essentiel sur les compromis que nous sommes prêts à faire pour atteindre nos objectifs de bien-être.
Cet article a été fait a partir de ces articles:
https://www.scientificamerican.com/article/why-ozempic-and-wegovy-might-change-your-favorite-food/, https://www.scientificamerican.com/podcast/episode/griefbots-create-digital-immortality-and-raise-ethical-concerns-around-ai/, https://www.scientificamerican.com/article/trump-dismisses-scientists-writing-the-national-climate-assessment/, https://www.scientificamerican.com/article/if-hpv-infection-increases-heart-disease-risk-can-vaccination-lower-it/, https://www.scientificamerican.com/article/what-amazons-project-kuiper-vs-spacexs-starlink-satellite-mega-constellation/
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